Recruter : de l’importance de « l’esprit de finesse »
_Charles Senard dans le magazine HRSquare de mai 2016
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On sait que beaucoup de professions risquent de disparaître dans les décennies à venir (près de 50% d’ici 2025, d’après une étude récente d’Oxford), car digitalisées et remplacées par des machines. Les métiers du recrutement et de la sélection vont-ils eux aussi disparaître ? S’appuyant sur le « big data », des robots, des algorithmes, des tests en ligne (d’intelligence, de logique, de personnalité etc.), des systèmes d’ATS (Applicant Tracking Systems) pour filtrer les CVs de plus en plus sophistiqués et interventionnistes seraient-ils à terme susceptibles de décider à notre place de recruter, ou non, un candidat ?
Les partisans d’un tel bouleversement avancent, entre autres, que l’être humain possède des capacités limitées de traitement de l’information, ce qui n’est pas le cas des logiciels ; et que l’on préserve par là le recruteur des « biais cognitifs » à même d’altérer son jugement (p.e. le fait qu’il se sente plus ou moins d’affinité sociale, culturelle ou autre avec le candidat).
En matière de recrutement, il faut de « l’esprit de finesse » bien plus encore que de « l’esprit de géométrie » (selon la célèbre distinction établie par Blaise Pascal) : tout n’est pas quantifiable. La complexité des enjeux qui entrent en compte dans les relations humaines (p.e. concernant les relations futures, cruciales, du candidat avec son manager) est telle que seule une intelligence humaine fine et intuitive est réellement capable de les évaluer.
De plus, on doit bien se garder de confondre ce que disent les gens de ce qu’ils font, ce qu’ils veulent faire, et leur comportement réel : d’où l’intérêt d’une méthode comme celle de l’Assessment Centre pour évaluer les compétences, qui place les candidats dans des situations professionnelles fictives certes, mais au plus près du quotidien de leur futur job, devant deux assesseurs qui croisent leurs regards. Les logiciels qui analysent les CVs, les divers tests qui existent sur le marché, pour raffinés, normés et validés qu’ils soient, ne mesurent jamais que ce que disent les gens, ce qui donne un indice sur leur comportement futur, mais rien de plus.
Enfin, du point de vue du candidat, la façon dont il est recruté lui en dit beaucoup aussi sur l’entreprise qui le recrute. Pour un employé potentiel, parler avec une vraie personne, authentique et bienveillante, reste une expérience incomparablement plus agréable et stimulante qu’une morne et factice interaction avec un personnage virtuel, même en 3D !
Charles Senard - Senior Consultant
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